L’histoire passionnante de l’hypnotisme : du magnétisme à l’hypnose éricksonienne

Le magnétisme animal de Franz Anton MESMER

En 1778, Franz-Anton MESMER, médecin allemand installé à Paris, est le premier à introduire une théorie sur l’existence d’un fluide magnétique animal. Pour lui, ce fluide a des vertus thérapeutiques. Ainsi, il obtient des résultats surprenants en induisant des crises convulsives chez des patients qu’il place debout dans un baquet.

Six ans plus tard, LOUIS XVI envoie auprès de MESMER deux commissions d’enquête scientifiques dont l’une compte parmi ses membres le célèbre chimiste LAVOISIER. Ces commissions concluent à l’inexistence du fluide magnétique sans rejeter pour autant la possibilité d’effets thérapeutiques dus à l’imagination.

Marquis de PUYSEGUR : le somnambulisme provoqué utilisé à des fins thérapeutiques

A la même époque, le marquis de PUYSÉGUR découvre le somnambulisme provoqué. A partir de ce moment, pour expliquer le phénomène hypnotique, tous les magnétiseurs vont minimiser l’importance du fluide de MESMER au profit de la relation entre le thérapeute et son patient. Le rôle des phénomènes de croyance est alors étudié et l’importance des suggestions verbales est mise en lumière.

L’abbé FARIA : le magnétisme ne tient pas à l’opérateur mais à imagination du sujet

L’Abbé FARIA, prêtre portugais, rejette l’existence d’un fluide, ainsi que l’action de la volonté du magnétiseur de PUYSÉGUR. Il pense que le sommeil magnétique dépend non du magnétiseur mais du sujet lui-même. Il pratique l’hypnose en regardant ses patients dans les yeux et en prononçant les mots désormais célèbres : “dormez, je le veux” (la technique d’hypnose de l’Abbé Faria). Il théorise ainsi les suggestions post-hypnotiques en 1787, sans encore employer le terme Hypnose.

Malgré ces avancées, le mesmérisme sera encore longtemps enseigné dans les chaires des universités allemandes. Ce n’est qu’en 1843 que l’on abandonne le magnétisme au profit de la théorie hypnotique de James BRAID.

James BRAID : hypnotisme et mono-idéisme

En 1843, James BRAID, chirurgien anglais, entreprit d’établir les bases scientifiques de la compréhension du phénomène. Pour lui, le fluide et le magnétisme animal dont parle MESMER n’existent pas. Il démystifie le mesmérisme et propose une codification moderne de ce phénomène de modification de conscience. Il donne le nom d’hypnotisme à des techniques et des phénomènes en partie observés dans le magnétisme et en partie développés par lui-même.

Il découvre que l’hypnotisme est produit par une concentration sur une cause physique. Durant ses expériences, il utilise la fixation d’un objet brillant comme technique d’induction (technique d’induction d’hypnose de James Braid).

Le mérite de James BRAID est d’avoir compris qu’hypnotiser relevait plus d’un savoir que d’un pouvoir. En effet, pour lui, cela ne fait aucun doute. Hypnotiser est avant tout affaire de savoir scientifique, de psychologie et de savoir-faire. On a démontré par la suite toute l’importance du savoir-être de l’hypnotiseur et de la relation de confiance qui doit s’installer avec le sujet. L’hypnotiseur ne fait que remplir le rôle qui lui est assigné par le sujet en demande d’hypnose.

James Braid distingue, l’hypnotisme du mono-idésime. L’hypnotisme correspond à “la production du sommeil artificiel, quand il y a perte de la mémoire, de façon qu’au réveil, le patient n’ait aucun souvenir de ce qui s’est passé pendant le sommeil, mais qu’il se souvienne cependant, lorsqu’il est plongé dans le même degré d’hypnotisme.”

Le mono-idéisme étant “l’état d’esprit sous l’influence d’une impression dominante”. Il désignera ainsi sous le terme de “mono-idéologie” la science de l’influence des idées prédominantes sur l’activité intellectuelle et physique. Mono-idéiser correspond à l’action de produire l’état de mono-idéisme. Et il appelle “mono-idéo-dynamique” les modifications physiques et psychiques, les exitations aussi bien que les dépressions, qui se développent sous l’influence du mono-idéisme.

Aujourd’hui, seul le terme d’hypnose a été retenu, pour désigner de manière générique ces différents états et les techniques pour y parvenir !

Morton PRINCE et Benjamin RUSH

Aux USA, dès 1845, l’hypnose est utilisée par Morton PRINCE pour traiter les personnalités multiples. Le père de la psychiatrie américaine, Benjamin RUSH, l’intègre également dans sa pratique.

Hyppolyte BERNHEIM et Jean Martin CHARCOT

En France, c’est vers 1880 que l’hypnose revient en force grâce à deux professeurs d’université célèbres. Il s’agit du neurologue Jean-Martin CHARCOT à la Salpêtrière, et du Dr Hippolyte BERNHEIM de la clinique médicale de Nancy (technique d’hypnose de Bernheim). Ces deux scientifiques défendent chacun des positions opposées concernant l’hypnose, ce qui divisa le monde médical et provoqua la naissance de deux écoles.

Au départ, BERNHEIM fut convaincu des vertus de l’hypnose grâce aux succès thérapeutiques obtenus par le Dr LIEBAULT, médecin de campagne qui avait étudié les travaux de BRAID.

bernheim hippolyte induction hypnose

BERNHEIM, à l’origine de l’école de Nancy, réduit l’hypnose à la suggestibilité: “Les phénomènes hypnotiques proviennent de cette propriété physiologique du cerveau”. Il décrit ainsi la loi de l’idéo-dynamisme, à savoir qu’une idée suggérée devient un mouvement, une sensation, une émotion ou un acte biologique (vasoconstriction). A l’inverse, grâce à l’hypnose, on peut inhiber une sensation comme la douleur, le prurit, un acouphène… Une suggestion (hypnotique) peut aussi produire une émotion agréable et inhiber ainsi des émotions comme l’angoisse, la tristesse ou la colère.

BERNHEIM remarque que certains états modifiés de conscience augmentent cette suggestibilité en développant la force idéo-dynamique par la prédominance des facultés d’imagination. Cependant, la suggestion (hypnotique) peut être utilisée à l’état de veille et la méthode est appelée « psychothérapie ». Ce terme apparaît pour la 1ère fois en 1891, dans son livre « hypnotisme, suggestion et psychothérapie ». Cette reconnaissance de l’hypnose par le professeur BERNHEIM permit aux médecins de pratiquer ouvertement l’hypnose.

L’école opposée est celle de Paris, menée par CHARCOT. Les travaux de BRAID intéressent CHARCOT, premier titulaire de la chaire de neurologie en France et médecin-chef à la Salpêtrière. La facilité avec laquelle l’hypnotiseur pouvait reproduire les symptômes de l’hystérie par la transe le conduit à définir l’hypnose comme un état pathologique, une névrose hystérique artificielle. Pour lui, seules les personnes prédisposées à l’hystérie sont hypnotisables. Il a ainsi essayé de démontrer que l’état hypnotique était un état hystérique. Pour CHARCOT, l’hypnose est donc un état physiopathologique. Cela suscita une fausse croyance selon laquelle les personnalités hystériques étaient des meilleurs sujets pour l’hypnose, alors qu’en réalité, ils peuvent être les plus résistants à l’hypnothérapie.

Ses travaux ont cependant permis à l’hypnose d’être reconnue par l’Académie de médecine. Freud a suivi ses enseignements et a eu recours pendant un temps à l’hypnose avant de l’abandonner au profit de la Psychanalyse.

Pierre JANET : l’automatisme psychologique de

Pierre JANET est alors un des seuls en France à continuer de s’intéresser et à mener des recherches sur cette discipline. Philosophe, psychologue et médecin, JANET est incontournable dans l’histoire de la psychothérapie et de l’hypnose. CHARCOT le nomme directeur d’un laboratoire à l’hôpital de la Salpêtrière, avant même qu’il ne soit médecin. JANET entreprend des recherches sur l’hypnose et l’hystérie. Il travaille et publie notamment des études passionnantes sur « l’automatisme psychologique ». Pour lui, l’hypnose serait le résultat d’une conscience secondaire dissociée, ou double conscience. Il se fonde sur les phénomènes de dédoublement de la personnalité et sur les phénomènes d’amnésie post-hypnotique.

Cependant, le discrédit engendré par les travaux de CHARCOT, les difficultés à appréhender les phénomènes hypnotiques, l’éclosion des théories psychanalytiques… font rapidement tomber l’hypnose dans l’oubli en France. Selon JANET, « Les immenses fleuves que sont la psychanalyse et la méthode psychosomatique, ont pris leur source dans l’hypnose, et après s’être détachés d’elle, ils y reviennent de façon souvent détournée, mais de plus en plus accusée. »

Milton H. ERICKSON : un tournant décisif dans l’histoire de l’hypnose

C’est Milton ERICKSON qui marque un tournant décisif dans l’histoire de l’hypnose et permet à cette discipline de revivre une véritable renaissance.

ERICKSON, psychiatre et psychologue américain, a révolutionné l’hypnose, par l’apport de techniques et de concepts nouveaux. Daltonien, dyslexique et atteint de poliomyélite, il a expérimenté d’abord sur lui-même certains phénomènes, qu’il met plus tard en application dans l’hypnose thérapeutique.

A 17 ans, atteint d’une poliomyélite et alité, il meuble son ennui par des jeux d’observation. Ainsi, il développe une capacité à percevoir les signes non verbaux émis à la limite du seuil de perception.

Il passe également beaucoup de temps à s’observer et à observer sa sœur qui apprend à marcher. « Je ne pouvais même pas dire où se trouvaient mes bras et mes jambes dans mon lit. C’est ainsi que j’ai passé des heures à essayer de localiser ma main, mon pied, ou mes orteils, en guettant la moindre sensation, et je suis devenu particulièrement attentif à ce que sont les mouvements ».

Après ERICKSON, l’hypnose thérapeutique a radicalement changé. Pour lui, l’inconscient du sujet est un réservoir de ressources, de connaissances et d’apprentissages dont le patient ignore l’existence et auquel il doit apprendre à faire confiance. 

Il a introduit la notion d’hypnose permissive. Car pour lui, ce n’est pas le thérapeute qui détient la solution. Le patient possède en lui les ressources pour répondre de manière appropriée aux situations qu’il rencontre. Il s’agit par conséquent d’utiliser ses compétences et ses possibilités d’adaptation personnelles. Le patient garde son libre-arbitre ; rien ne lui est imposé.

En France, la réintroduction de l’hypnose dans la pratique clinique est principalement due à Léon CHERTOCK (1911-1991), suite à ses rencontres avec ERICKSON.

Dominik

  1. […] Elman aux médecins : Depuis plus de cinquante ans, j’étudie le sujet de l’hypnose, et dans mes premières études, je suis tombé sur un livre du docteur H. Bernheim. Dans ce livre, il déclare que lorsqu’un patient est venu le voir pour la première visite, il a hypnotisé le patient et il est entré dans un état léger d’hypnose. Une semaine plus tard, lorsque le patient est revenu pour la deuxième visite, il est entré dans le même état. Cela s’est produit pendant quatre semaines successives. Mais lors de la cinquième visite, le médecin a remarqué que le patient est entré dans un état beaucoup plus profond identifiable par le fait que le patient a développé une amnésie dans l’État, ou que des suggestions d’amnésie seraient facilement acceptées. Il a appelé cet état somnambulisme. C’était le même état que celui décrit par le marquis de Puysegur. […]

  2. […] pour revenir aux sources de l’hypnose, avec la fameuse induction par fixation du regard de James Braid – Avec une dédicace spéciale à ceux qui attendent avec impatience le démarrage de leur […]

  3. […] du livre Hypnose ou traité du sommeil nerveux de James BRAID– […]

  4. Fred left a comment on 22 mars 2020 at 23 h 19 min

    En effet passionnant, merci!

  5. […] L’histoire passionnante de l’hypnotisme : du magnétisme animal à l’hypnose moder… […]

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