Comprendre l’hypnose selon Milton Erickson : extraits choisis

hypnose erickson protocole tabac

Milton Erickson, médecin psychiatre et pionnier de l’hypnose moderne, a laissé derrière lui une œuvre foisonnante, à la fois clinique et profondément humaine.

Dans cet article, nous avons sélectionné plusieurs extraits de ses écrits qui permettent de mieux saisir ce qu’est vraiment l’hypnose médicale et thérapeutique, dans une approche éricksonienne, loin des clichés.

Chacun nous éclaire sur un aspect fondamental de la pratique de l’hypnose médicale et thérapeutique.
Et parfois, une simple anecdote ou métaphore suffit à ouvrir une porte nouvelle dans notre compréhension…

Sommaire

1. Qui peut être hypnotisé ?

Dans ce passage, Milton Erickson clarifie que l’hypnose est un phénomène naturel, accessible à toute personne coopérative, quels que soient son profil psychologique ou sa pathologie. Il insiste également sur l’innocuité de l’hypnose et sa différence fondamentale avec le sommeil ou toute idée de manipulation.

« Tout sujet réellement coopératif peut l’être (hypnotisé), indépendamment du fait qu’il s’agisse d’une personne normale ou d’une personne ayant une névrose hystérique ou une psychose schizophrénique.

Par ailleurs elle n’a aucun effet préjudiciable et ne peut en rien favoriser des activités criminelles, contrairement à ce que voudrait nous faire croire le cinéma ou la presse populaire.

Troisièmement, malgré les apparences, elle n’a aucune relation réelle avec le sommeil physiologique. Finalement, même si elle est mal comprise, il ne s’agit en rien d’un phénomène surnaturel mais bien d’une manifestation psychologique normale, facilement contrôlé par l’utilisateur expérimenté… »

The collected Papers of Milton Erickson on hypnosis Tom IV p18

2. Le rôle de la suggestion en hypnose

Cet extrait met en lumière le rôle central de la suggestion en hypnose. Erickson y décrit l’état hypnotique comme une opportunité pour le patient de réorganiser ses expériences et ses ressources internes de manière cohérente avec son histoire personnelle, sans altération du passé ni transformation forcée.

« L’induction et le maintien d’une transe permettent de disposer d’un état psychologique spécial dans lequel le patient peut réassocier et réorganiser ses complexités psychologiques internes et utiliser ses propres aptitudes d’une manière qui est en accord avec ses expériences de vie personnelles.

L’hypnose ne change pas les gens, pas plus qu’elle n’altère les expériences qu’ils ont vécus dans le passé.
Elle sert à leur permettre d’en apprendre plus sur eux-mêmes et de s’exprimer d’une manière plus adaptée.»

The collected Papers of Milton Erickson on hypnosis Tom 4 p 59

3. Utilisation de l’hypnose dans la pratique médicale

Ici, Erickson illustre la valeur thérapeutique de l’hypnose par sa capacité à focaliser l’attention du patient sur des éléments utiles à sa guérison. À travers des métaphores et des exemples cliniques, il montre comment cet état modifié de conscience permet de surmonter des limitations mentales, émotionnelles ou physiques.

« Ce qui justifie l’utilisation de l’hypnose dans l’art de guérir, c’est l’effet bénéfique de la limitation de l’attention du patient à ces éléments de comportement et de fonctionnement qui sont pertinents pour son bien-être.

Pour éclairer ce propos par un exemple, prenons une planche de bois de huit mètres de long et de quarante centimètres de large et posons-la sur le sol. N’importe qui, dans un état de conscience ordinaire est capable de parcourir à pied ces huit mètres sans difficulté. Mais plaçons cette même planche à soixante mètres de hauteur et cela devient un tout autre problème que de marcher sur toute sa longueur, même si, en réalité, la tâche n’a pas changé.

Dans l’état habituel de perception consciente, la performance est trop souvent limitée par des considérations qui peuvent en fait n’avoir aucun lien avec la tâche à accomplir. Marcher sur cette planche qu’un plancher transparent de part et d’autre laisse le sol parfaitement visible soixante mètres plus bas, resterait tout de même une tâche angoissante pour bien des personnes, alors qu’elles le feraient si facilement sur le sol.

Dans l’état ordinaire de conscience, les idées, les conceptions, les croyances, les souhaits, les espoirs et les peurs, peuvent tous affecter la facilité d’exécution d’un acte et perturber et déformer des objectifs qui suscitaient peut-être beaucoup d’espoirs. Mais dans l’état d’hypnose, le champ de perception consciente est limité et tend à se restreindre à des questions strictement pertinentes, les autres considérations perdant toute importance.

Pour donner un autre exemple, on peut citer un patient grièvement brûlé qui désespère d’être soulagé de ses douleurs. Il ne veut pas qu’on lui présente des idées et des suggestions à propos de sa douleur. Il n’a plus envie de boire ni de manger. Il a perdu I ‘appétit en raison de ses souffrances. Il n’arrive pas à dormir à cause de la douleur, de la peur et de l’anxiété quant à l’évolution de son état.

Sous hypnose, par contre, le patient grièvement brûlé est ouvert aux suggestions. Il est tout aussi disposé à accepter des suggestions d’anesthésie et d’analgésie hypnotiques qu’il le serait à accepter de la morphine. Il est également prêt à accepter des suggestions de soif et de faim et à y réagir aussitôt, chose qui serait perturbée par I ‘administration de médicaments, tout comme l’élimination des toxines est retardée par les médications anti-douleur. De plus, il profite d’un sommeil naturel, physiologique, au lieu d’un sommeil dû aux opiacés.

Même si l’hypnose n’apporte pas un soulagement complet, les symptômes peuvent être grandement améliorés, ce qui réduit la quantité de médication qui risque d’interférer avec l’élimination des toxines.

Dans l’expérience personnelle de l’auteur, la réaction de choc d’une enfant de sept ans après qu’elle se fut gravement ébouillanté le bras, l’épaule, le thorax et le côté, fut utilisée pour induire une transe hypnotique. Des pansements locaux sur la zone brûlée, mais sans aucun traitement par voie générale, permirent une guérison complète en trois semaines. Après la première séance, il ne fut pas nécessaire de faire de nouvelle séance d’hypnose, puisque la suggestion post-hypnotique donnée au départ continua d’être efficace tout au long de son hospitalisation. »

The collected Papers of Milton Erickson on hypnosis Tom 4 p 59 Tom 4 p 80

4. Profondeur de la transe hypnotique

Erickson rappelle que la profondeur de transe n’est pas liée à la gravité du trouble à traiter. Ce passage souligne l’importance d’adapter le niveau de transe à la personnalité du patient et au moment thérapeutique, sans rechercher systématiquement des états profonds.

« Les états de transe ayant des objectifs thérapeutiques peuvent être soit légers, soit profonds, en fonction des facteurs tels que la personnalité du patient, la nature du problème, et le stade des progrès thérapeutiques.

Parfois on n’a besoin que d’une transe légère, même pour un problème grave, et parfois une transe profonde est indispensable pour une perturbation relativement bénigne. »

The collected Papers of Milton Erickson on hypnosis Tom 4 p 48

5. Utilisation de l’hypnose comme agent thérapeutique

Dans cet extrait, Erickson décrit l’importance d’un apprentissage progressif de l’état hypnotique. À travers des transes répétées et guidées, le sujet développe sa capacité à dissocier et restructurer ses réponses internes. L’efficacité thérapeutique repose ici sur une construction patiente d’une dynamique hypnotique intégrée.

« On a généralement tendance à penser que l’hypnose peut être induite par suggestions répétées de fatigue, de somnolence et de sommeil profond et que, lorsque les sujets présentent des signes d’endormissement, ils sont prêts pour une procédure hypnotique. En fait, ces sujets peuvent être en transe, et en présenter tous les signes apparents, mais en réalité, il s’agit d’un type de transe ne permettant qu’une utilisation limitée de la suggestion hypnotique.

L’utilisation de l’hypnose comme agent thérapeutique ou comme méthode d’expérience au laboratoire demande, pour que les résultats en soient valables, plusieurs heures d’entraînement. Dans ce processus d’entraînement, les sujets peuvent être hypnotisés, puis éveillés, puis hypnotisés à nouveau, puis éveillés encore, et ce de manière répétée, chaque transe et chaque réveil étant employés pour leur apprendre petit à petit à contrôler leurs facultés mentales et à organiser des réactions qui augmentent le degré de dissociation entre conscient et subconscient, ce qui établit dans les faits, mais non en réalité, une personnalité hypnotique dissociée.

Ce n’est qu’en développant chez chaque sujet cette capacité à fonctionner de manière organisée et intégrée dans l’état de transe que l’on pourra réaliser un travail thérapeutique ou expérimental complexe.

Dans la mesure où cet article ne permet pas un exposé détaillé des subtilités de la technique, il peut sembler préférable de résumer la question en disant qu’une technique efficace repose sur des transes hypnotiques répétées et prolongées au cours desquelles le sujet atteint un état stuporeux. Dans cette transe stuporeuse, on apprend au sujet, par degrés progressifs, à obéir à des suggestions et à réagir à des situations de façon intégrée.

Ce n’est qu’ainsi que l’on peut obtenir une dissociation étendue des éléments conscients et subconscients de la personnalité, dissociation qui va permettre une manipulation satisfaisante des éléments de la personnalité à étudier. »

The collected Papers of Milton Erickson on hypnosis Tom 4 p 18

6. Suppression d’une névrose originale par une névrose artificielle

Cet exemple emblématique illustre l’approche paradoxale d’Erickson : en induisant volontairement une névrose artificielle, il parvient à absorber et désactiver une névrose existante. Ce processus démontre comment l’hypnose peut être utilisée pour intégrer et transformer des symptômes pathologiques.

« L’étude de Erickson (1923) a démontré qu’il était possible de développer chez un sujet une névrose artificielle caractérisée par des compulsions, des phobies et des obsessions, de telle manière qu’une névrose véritable, préexistante chez le sujet, s’intègre à cette névrose induite ; la psychothérapie de la névrose artificielle a permis ensuite la suppression de la névrose originale. »

The collected Papers of Milton Erickson on hypnosis Tom 4 p 23

7. L’essence de l’hypnose éricksonienne

L’ensemble de ces extraits révèle l’hypnose comme un outil de transformation respectueux, individualisé et profondément humain. Pour Erickson, l’état hypnotique est avant tout un espace de réorganisation intérieure, soutenu par le langage symbolique, l’alliance thérapeutique et les ressources du sujet.

👉 Pour aller plus loin, découvrez notre module de formation en hypnose éricksonienne – incluant une étude approfondie de la pensée de Milton Erickson à travers ses cas cliniques emblématiques.

Dominik

  1. Psychologue left a comment on 23 avril 2025 at 12 h 47 min

    En tant que psychologue, je trouve fascinante l’approche d’Erickson sur l’hypnose, en particulier dans le contexte de son utilisation thérapeutique. Ses écrits montrent que l’hypnose est un outil puissant pour aider les patients à réorganiser leurs expériences internes sans altérer leur passé ni les forcer à adopter des changements qu’ils ne désirent pas. Ce respect de l’autonomie du patient est en parfaite adéquation avec les principes fondamentaux de la psychologie clinique.

    L’idée que toute personne coopérative, indépendamment de son profil psychologique, puisse être hypnotisée me semble pertinente, car elle souligne l’importance de l’engagement et de la collaboration du patient dans le processus thérapeutique. Cela rappelle l’approche centrée sur la personne, où le thérapeute guide le patient dans une exploration de soi tout en respectant son propre rythme et ses ressources internes.

    L’utilisation de métaphores, comme celle de la planche de bois placée à différentes hauteurs, est particulièrement éclairante. Elle démontre comment l’hypnose peut aider à réduire les barrières mentales et émotionnelles qui limitent la performance et le bien-être des patients. Cette idée de restreindre la perception à des éléments pertinents pour la guérison est un principe que nous appliquons également en psychologie lorsqu’il s’agit de focaliser l’attention du patient sur des aspects essentiels à sa réadaptation psychologique.

    Enfin, l’approche paradoxale d’Erickson, comme l’induction d’une “névrose artificielle” pour traiter une névrose préexistante, témoigne de la flexibilité et de l’ingéniosité de l’hypnose en tant que méthode thérapeutique. Cela me fait réfléchir à la manière dont des techniques non conventionnelles peuvent parfois apporter des solutions novatrices dans des situations complexes.

    En résumé, l’hypnose éricksonienne, telle que décrite dans cet article, s’inscrit dans une vision thérapeutique respectueuse et centrée sur le patient, ce qui la rend particulièrement complémentaire aux approches psychologiques traditionnelles.

    • Dominik left a comment on 27 avril 2025 at 22 h 55 min

      Merci beaucoup pour ce commentaire. Je suis ravi que l’approche d’Erickson, et plus largement la philosophie qui sous-tend l’hypnose éricksonienne , résonne avec votre vision et votre pratique de la psychothérapie.
      Votre parallèle avec l’approche centrée sur la personne me semble particulièrement intéressante : au cœur du processus hypnotique – dans une vision éricksonienne, il y a en effet cette même confiance dans les ressources internes du patient et ce respect fondamental de l’autonomie du sujet.

      Vous soulignez aussi un point qui me tient beaucoup à cœur : l’importance de la flexibilité thérapeutique et de l’utilisation de moyens parfois non conventionnels pour favoriser des processus de changement profonds et durables, par une expérience réorganisatrice. C’est cette créativité thérapeutique, si présente chez Erickson, qui continue d’inspirer nombre de praticiens aujourd’hui.

      Au plaisir d’échanger davantage si vous le souhaitez !

  2. […] L’hypnose médicale selon le Docteur Milton H Erickson […]

  3. […] L’hypnose médicale, qui peut être hypnotisé, profondeur de la transe… […]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.