« L’intervalle hypnotique » : croyances et réalités sur le Métier d’Hypnothérapeute

Par Michel Ruche, Maître Praticien en hypnose éricksonienne certifié Hansen Institute

Si dans ma pratique j’en suis venu un jour à l’hypnose c’est certainement parce que j’ai compris ou que j’avais la croyance que dans ce monde mystérieux nommé hypnose les difficultés peuvent se résoudre ‘‘sans que l’on fasse quoi que ce soit ’’.

Enlevé ! le poids de la souffrance émotionnelle.
Eliminé ! le poids de l’effort à accomplir avec de la volonté.
Exit ! le temps pour que cet effort puisse s’accomplir.

Et il en faut parfois beaucoup du temps pour aller mieux, le temps étant synonyme également d’argent… Alors je me suis demandé : mystère ou légende ? Ne pas passer par un travail de fond avec la conscience permet-il de sauvegarder les résultats sur du long terme ?

Dans cet apprentissage personnel de l’hypnose les sujets importants et difficiles qui me sont apparu rapidement ont été l’induction et la profondeur de transe. Dans ce que je croyais, une bonne induction amenait plus de profondeur de transe et la profondeur de transe était garante de la réussite en termes de solution trouvée pour le client.

J’ai rapidement pu constater que faire une induction n’est pas si simple car cela génère inévitablement des peurs, en tout cas pour moi. Il y a eu celle, classique, de penser ne pas savoir ou pouvoir y arriver, par manque d’automatismes et de pratiques, par comparaison aux autres qui savent mieux que soi, ce qui m’a amené sur le chemin du manque de confiance, un grand classique. Est arrivée aussi la peur à la vue qu’il y a une grande somme de choses à apprendre, à intégrer, que la tâche est importante et pas si intuitive que j’aurais pu le croire. En fait, cela m’a paru même compliqué, j’avais l’impression qu’il y avait beaucoup de travail à donner pour apprendre, donc qu’il me faudrait de la volonté et de l’énergie et que cet apprentissage prendrait du temps encore. Je ne sais pas si j’étais prêt au début à prendre ce temps, c’est-à-dire peut-être plusieurs mois ou années avant d’être vraiment à l’aise avec l’hypnose ?

Alors qu’au début on rêve que l’hypnose nous apporte rapidement de la facilité dans notre pratique et nous couvre de gloire auprès des clients… Avec le recul ces peurs occasionnent un petit recentrage qui n’est pas si mal…

Il m’a fallu donc accepter d’être un débutant médiocre, pendant un certain temps en tout cas. Pas si facile pour l’égo de se remettre en question mais ce travail en profondeur a été profitable à bien des égards. Finalement les peurs m’ont fait oublier que l’hypnose est avant tout un outil au service de la relation thérapeutique. De fait, cet état de manque de confiance laisse le champ libre au stress et à l’auto centrage, phénomènes entièrement dommageables pour la relation avec le client, même s’il ne s’en rend pas toujours compte heureusement, car lui aussi vient avec ses peurs et ses croyances.

Toutes ces peurs j’avais bien vu qu’elles existaient aussi dans les autres pratiques mais j’ai découvert que l’hypnose est une pratique différente, presque un monde à part je dois dire. Un des points importants de cette pratique est qu’il est vraiment utile d’être attentif à l’expérience du client. Pour ce faire on doit donc pouvoir se détacher de ses propres peurs et du stress que cela occasionne. Ensuite en imaginant que l’on puisse être attentif à l’expérience du client et donc d’arriver à laisser ses peurs de côté, encore faut-il comprendre clairement ce que vit et traverse le client dans son expérience pendant la séance. Pour cela il est nécessaire d’avoir de l’empathie mais surtout d’avoir une bonne connaissance personnelle des phénomènes hypnotiques sachant que cette connaissance n’est rien si elle n’est pas elle-même intuitive, gravée dans le corps. Dans ces conditions elle se détache alors de la connaissance qui est uniquement liée au mental, à l’analytique et à l’auto centrage…, ce qui est potentiellement destructeur de la relation thérapeutique comme déjà vu précédemment.

Dans l’absolu cette relation thérapeutique doit permettre d’évaluer un objectif cohérent pour le client et d’avancer ensemble vers l’intégration d’un état d’être équilibré, et non pas vers la résolution des difficultés que rencontre la personne, ce que l’on appelle la guérison. En réalité le ‘‘avancer ensemble’’ me semble incorrect tant je constate que la plus grande partie du chemin, sinon la totalité, est réalisée par le client seul. Le thérapeute se contente, mais c’est déjà beaucoup, d’avoir la clarté d’esprit d’éclairer le bon chemin, d’être une sorte de guide pour que l’expérience du client (que lui seul peut traverser), soit correctement coordonnée entre un point de départ et un point d’arrivée, ce que je nomme l’intervalle.

Dans cet intervalle thérapeutique, l’hypnose devient un outil pour aller dans le corps mental, c’est l’imagination, le rêve, la co-construction, puis permettre d’accéder au corps énergétique et émotionnel, pour enfin arriver dans le corps physique ou les charges émotionnelles peuvent alors se dénouer … Un outil de libération et d’intégration des difficultés émotionnelles, un outil de rééquilibrage des émotions dysfonctionnelles par ‘‘l’intégration ’’ que je préfère de loin en tant que mot définissant le résultat, à ‘‘l’acceptation ’’, mot galvaudé déjà utilisé à toutes les sauces.
L’intervalle thérapeutique peut alors devenir l’intervalle hypnotique, être soi l’un, soit l’autre, du moment qu’elle permet d’aller d’un point A à un point B, du début à la fin du travail thérapeutique dont a besoin le client à cet instant.

Cet intervalle dans l’idéal permet au client de se déplacer du ‘‘ faire’’ vers ‘‘ l’être ’’, du voir vers le regard véritable, de l’écouter vers l’entendre, de l’inconfort vers l’équilibre, de la séparation vers l’unification, de la réaction vers l’action, de l’inauthenticité vers l’authenticité, de la fragmentation vers l’intégration, de la recherche du bonheur vers l’accueil de la joie, de la vengeance et du blâme vers le pardon, d’une perception erronée vers une perception juste, de la plainte et la compétition vers la compassion, d’un comportement inconscient vers un comportement conscient et de vivre dans le passé (tristesse, regrets, rancœur…) ou le futur (peurs…) vers expérimenter la conscience du moment présent. En résumé j’aime utiliser l’hypnose comme un outil pour devenir un peu plus présent à soi-même !

Je viens de définir ce qu’est devenue pour moi la relation thérapeutique grâce et avec l’hypnose, mais dans tout ça, que mes peurs sont-elles devenues ?

Et bien j’ai dû traverser ces peurs. Comment ? J’ai décidé d’adopter une forme de travail cohérente avec toutes les autres pratiques thérapeutiques que j’avais déjà intégrées. Techniquement il y a une induction et une profondeur de transe, c’est incontestable et je ne dis pas que ce n’est pas important mais en pratique il y a surtout une expérience et un résultat quantifiable pour le client. En règle générale j’ai pu remarquer que lorsque le client est ‘‘embarqué dans l’expérience’’ cela se passe plutôt bien, peu importe qu’il y ait une induction et une profondeur de transe ou qu’il n’y en ait pas, les critères ne sont pas uniquement centrés là-dessus. Mais ce qui est important : est-ce que le client est réceptif à l’expérience que l’on est en train de lui faire vivre ? Est-ce que l’on croit soi-même à ce que l’on est en train de vivre en tant que thérapeute ? Par exemple avec la ‘‘question miracle’’ il n’y a pas spécialement d’induction, pour autant le client se retrouve très souvent en état hypnotique sans le savoir.

En devenant conscient de tous ces différents phénomènes hypnotiques non recherchés qui se glissent dans les séances à l’instar de notre vie quotidienne, comme quand on se laisse aller à entrer dans la singularité de certains moments présents, j’ai peut-être appris dans l’expérience que l’hypnose est un état naturel et qu’il se glisse dans toutes les situations pour peu qu’il se passe vraiment quelque chose au niveau de la relation humaine et thérapeutique; c’est-à-dire deux personnes qui vivent le même moment présent, en poursuivant un objectif identifié et accepté communément, deux personnes connectées ensembles. J’ai bouclé la boucle en destituant les peurs liées à l’induction et à la profondeur de transe. Mes peurs se sont affaiblies, intégrées dans le travail de la relation avec le client, je peux faire de l’hypnose sans être dans un formalisme réducteur, j’ai retrouvé la liberté intuitive de travailler avec une induction qui peut être courte, longue ou quasiment inexistante, peu importe.

Par ce travail en ellipse sur mes peurs de l’hypnose j’ai finalement intégré dans mes séances un nouvel outil qui vient renforcer la relation humaine, donner du poids à l’attention portée au client et à l’écoute active des paroles, des émotions.
Ce travail respecte les lois de l’univers dès lors qu’il y a intégration des peurs. On peut alors être dans l’intervalle et avancer d’un point de départ qui est ébauche, vers un point plus loin qui tend vers l’accomplissement. Il n’y a pas de point d’arrivée car comme le dit la citation : ‘‘l’important c’est le chemin, pas l’arrivée’’.

Dominik

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