Il y a plusieurs phénomènes de transe qui ont un grand intérêt pour le médecin.
Au premier rang de ceux-ci vient « le rapport », une situation dans laquelle le sujet ne répond qu’à l’hypnotiste et semble incapable d’entendre, de voir, de percevoir ou de répondre à qui que ce soit d’autre à moins d’en recevoir l’instruction explicite de la part de l’hypnotiste. Il s’agit en fait de la concentration de l’attention du sujet sur l’hypnotiste, si bien qu’il ne perçoit plus que lui et que les choses que l’hypnotiste souhaite inclure dans la situation de transe ; cela a pour effet de dissocier le sujet de toutes les autres choses. L’hypnotiste peut transférer à d’autres ce rapport grâce à des suggestions appropriées.
« La catalepsie » est un deuxième phénomène, qui illustre avec clarté l’étendue de la signification psychosomatique de l’hypnose. Il s’agit d’un état particulier de tonus des muscles qui imite la rigidité cireuse des patients atteints de catatonie stuporeuse. Le sujet garde son bras en l’air, maintient n’importe quelle position inconfortable dans laquelle le place l’hypnotiste, et fait absence des réactions normales de fatigue. En même temps on constate une perte du réflexe de déglutition, une dilatation des pupilles, une perte de la mobilité du visage, et un ralentissement marqué de toutes les activités psychomotrices. Cependant, sur instruction de l’hypnotiste, le sujet peut fonctionner de manière correcte sur le plan moteur, aussi bien qu’à l’état d’éveil et même souvent d’une manière qui transcende ses capacités à l’état d’éveil.
Les « changements sensoriels » ou les altérations du comportement sensoriel, qu’ils soient positifs ou négatifs, sont fréquents et passent souvent inaperçus. La cécité et la surdité aux choses extérieures à la situation hypnotique se développent souvent et peuvent être testés cliniquement.
Peuvent aussi se produire une anesthésie, une analgésie et d’autres types de modifications sensorielles. De plus, ces phénomènes sensoriels peuvent être induits par des suggestions appropriées. Nous avons déjà publié un compte rendu détaillé de ces manifestations psychosomatiques (Erickson 1943 Tom III ch. 1 p 3-13). Leur présence est souvent d’une grande importance en thérapie, puisqu’elles sont tellement utiles pour permettre au sujet de se rendre compte de la profondeur de sa transe et pour orienter l’attention de l’hypnotiste vers des implications psychosomatiques qui demandent à être prises en considération dans la procédure hypnotique.
« L’amnésie » et les autres modifications de la mémoire constituent un autre type de phénomène hypnotique d’un extrême intérêt pour le praticien. En général, après une transe profonde, les sujets ont une amnésie plus ou moins totale des événements de la transe. Cette amnésie peut être contrôlée par l’hypnotiste grâce à des instructions données aux sujets, ou les sujets eux-mêmes peuvent de manière délibérée entreprendre de retrouver les éléments oubliés. Dans les deux cas, les souvenirs oubliés peuvent être retrouvés en totalité ou en partie selon les instructions données ou en fonction des besoins de chaque sujet. Cette amnésie est d’une très grande importance en psychothérapie puisqu’elle permet au thérapeute de traiter des souvenirs douloureux sans réveiller les résistances et les réactions de défense propres à l’état d’éveil.
À l’opposé de l’amnésie hypnotique, on trouve la capacité pour les sujets de développer une hypermnésie — c’est-à-dire une augmentation de l’aptitude à se souvenir — et de retrouver des souvenirs d’expériences passées oubliées depuis longtemps et inaccessibles à l’état d’éveil. Des expériences et des souvenirs traumatisants, douloureux et oubliés, qui sont si fréquemment à I ’origine de graves perturbations de la personnalité, sont souvent facilement accessibles sous hypnose ; le patient peut aisément s’en souvenir et on peut alors mettre en place, au cours de la transe, les bases de leur intégration dans la vie habituelle du patient.
L’importance en psychothérapie de retrouver des souvenirs perdus est un fait bien établi, et l’hypnose se montre souvent une voie royale vers ces souvenirs, même si elle laisse toujours au thérapeute la tâche délicate d’intégrer ces souvenirs dans la vie habituelle à l’état d’éveil du patient. En plus de cette possibilité de retrouver des souvenirs oubliés, l’hypnose peut permettre aux sujets de retrouver le souvenir d’expériences perdues avec une précision et des détails phénoménaux ordinairement impossibles. Grâce à cette hypermnésie, on peut accéder à des indices mineurs de conflits émotionnels qui perturbent individu et qui seraient autrement inaccessibles.
Reposant jusqu’à un certain point sur les mécanismes de l’amnésie et de l’hypermnésie, il est un autre phénomène dénommé régression. Il s’agit de la capacité pour les sujets hypnotiques, à la suite de suggestions et d’instructions convenables, de développer une amnésie pour une période déterminée de leur vie, et de rétablir les souvenirs, les schémas de comportement et les habitudes d’une période plus ancienne. Ainsi, un sujet de vingt-cinq ans peut être amené à développer une amnésie étendue de tous les événements de sa vie postérieurs à l’âge de quinze ans et à rétablir en lui les modes et les habitudes de comportement et les réactions propres à son niveau de développement à l’âge de quinze ans.
En réalité, la technique qui consiste à réorienter ainsi un sujet à un âge antérieur est une technique compliquée et difficile, et le processus se traduit souvent par des erreurs à moins qu’un soin extrême ne soit apporté aux suggestions ; de plus, le comportement de régression ne doit pas être accepté trop facilement et sans esprit critique. Cependant, des études expérimentales et thérapeutiques ont montré la faisabilité et I ‘utilité de cette procédure, et ont aussi montré que des changements psychosomatiques importants accompagnaient ce processus. Deux exemples de cette nature sont rapportés dans le numéro de Psychosomatique Medicin signalé plus haut, et d’autres études sont citées en bibliographie.
La « suggestibilité », qui est, par nécessité, un trait dominant de I ‘hypnose, est toujours présente et constitue une considération fondamentale sur laquelle reposent la transe et les phénomènes qui lui sont liés. En outre, la suggestibilité joue un autre rôle après que la transe a été induite, en ceci que tout comportement souhaité peut être suggéré au sujet qui va le mettre en œuvre de manière adéquate, à condition que ces suggestions ne soient pas choquantes pour le sujet.
Ainsi, dans le cadre médical, on peut dans le cours de la thérapie faire retrouver des souvenirs, faire développer des amnésies, des identifications et des anesthésies, provoquer des rêves, des conflits émotionnels, des hallucinations, une désorientation, et ainsi de suite, dans le but de résoudre les problèmes, de développer une compréhension intérieure, et de réorganiser la vie psychique.
L’écriture automatique et la vision dans un boule de cristal, qui sont deux phénomènes quelque peu comparables, connus depuis longtemps mais considérés avec superstition, sont faciles à déclencher au cours de la transe et sont souvent de grande valeur en psychothérapie. En réponse à une suggestion, le sujet écrit de manière automatique et sans en prendre conscience, et peut ainsi être amené à recouvrer des éléments oubliés ou à découvrir des informations nécessaires et autrement inaccessibles ou que la personnalité n’est pas encore assez forte pour affronter. Ou bien le sujet peut voir de manière très vivante et très claire dans une boule de cristal la représentation d’expériences traumatisantes oubliées depuis longtemps et parvenir ainsi à se rendre compte de leur réalité et de leur véracité pour lui en tant que personne.
« La suggestion post-hypnotique » est l’un des phénomènes hypnotiques les plus importants. On peut, par ce moyen, donner au sujet en état de transe des instructions destinées à déterminer son comportement futur, mais seulement à un degré raisonnable et acceptable. On peut ainsi donner au sujet l’instruction qu’à une certaine date il devra réaliser une certaine action. Au moment spécifié, le sujet exécute la demande qui lui avait été faite, mais en croyant que cet acte est spontané ou déterminé par lui-même. En tant qu’instrument thérapeutique, les instructions post-hypnotiques ont une très grande valeur, mais si elles sont mal utilisées, elles sont inefficaces et vaines. On doit les utiliser avant tout pour donner au patient l’occasion de développer une compréhension intérieure et d’intégrer son comportement.
« Le somnambulisme » est une autre forme de comportement hypnotique qui est toujours I’indicateur d’un état de transe profonde. Dans cet état, les sujets se comportent et réagissent comme s’ils étaient complètement éveillés et peuvent même tromper des observateurs par cette apparence d’éveil. Cet état est celui qui convient le mieux aux formes les plus profondes de psychothérapie et peut être induit chez au moins soixante-dix pour cent de l’ensemble des sujets par des séances d’hypnose répétées.
The Medical Clinics of North America, mai 1944, numéro de New York
Vaste programme… et pas si simple… mais passionnant, n’est-ce pas ? Notez que pour aller plus loin, pour apprendre à approfondir l’hypnose et travailler avec tous ces phénomènes hypnotiques, Antoine Garnier viendra animer un stage « Hypnose profonde » pour nous à Pau, dont le thème sera « Approfondir l’hypnose thérapeutique : les phénomènes et leur utilisation »
[…] Les phénomènes hypnotiques et leur utilisation […]
[…] : Phénomène produit de façon inconsciente pour valider, et orienter une séance d’hypnose. Ici un article d’Erickson décrivant les différents phénomènes […]
Merci pour ton article passionnant, Dominik et Bravo. des bises
Merci Dominique, oui tout ça est passionnant !
Merci pour cet article!