Lévitation de la main et profondeur de la transe : quand le sujet devient acteur – Milton Erickson

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En hypnose ericksonienne, les apparences sont souvent trompeuses.
Ce qui peut sembler anodin, maladroit, presque accidentel, est possiblement une stratégie subtile au service de la thérapie.

Et parmi les techniques emblématiques de Milton H. Erickson, la lévitation de la main occupe une place particulière : non pas comme un simple “truc”, mais comme une porte d’entrée vers la profondeur de la transe… et vers une posture thérapeutique profondément respectueuse et moderne.

Écrire pour mieux suggérer : la précision ericksonienne

Dans le Collected Papers on Hypnosis, tome 1, chapitre 23, Erickson partage sa manière de concevoir les suggestions. Il commence par un conseil aussi simple que puissant : écrivez vos suggestions.
Commencez par rédiger quarante pages. Puis réduisez. Reformulez. Jusqu’à ce qu’il ne reste que l’essence vivante du message.

“Tous ceux qui veulent sérieusement apprendre à formuler des suggestions doivent en passer par là pour prendre vraiment conscience de ce qu’ils disent en réalité.”

Ce travail de distillation du langage n’a rien de scolaire : il révèle une posture thérapeutique, consciente de la puissance du mot, du rythme, du silence.
Chaque hésitation devient un choix. Chaque bégaiement, une invitation à la participation.

Le sujet n’est pas un spectateur, mais un acteur

Erickson va même plus loin : il assume de mal prononcer un mot volontairement, pour que le sujet le corrige mentalement. C’est là un geste thérapeutique d’une rare subtilité :

“Ils se sont joints à moi pour dire ce mot, et quand ils me rejoignent en le disant, c’est à eux-mêmes qu’ils font la suggestion.”

En hypnose, l’effet thérapeutique ne vient pas de l’extérieur, mais d’une appropriation intérieure. C’est le sujet qui fait le travail, à sa manière, à son rythme.
Le praticien, lui, ne dirige pas. Il ouvre un espace. Il offre des possibles.

La lévitation de la main : plus qu’un phénomène, un processus

Erickson met en garde contre une erreur fréquente chez les débutants : se perdre dans la technique et oublier l’essentiel… le sujet.
Il raconte l’histoire d’un étudiant trop absorbé par les doigts à faire bouger, qui perd tout contact avec la personne face à lui.

Ce qu’il rappelle alors est fondamental :

“Si vous observez l’expression figée du visage, le clignement plus lent des paupières, la respiration, le rythme du pouls… vous réalisez que votre sujet est déjà en transe.”

Autrement dit, l’essentiel est souvent invisible à l’œil non averti.
La main ne bouge peut-être pas, mais l’expérience intérieure, elle, est en mouvement.

Ce que disait Erickson, dans ses propres mots…

Voici l’extrait complet du Collected Papers, dans lequel Erickson décrit sa manière d’aborder la suggestion indirecte à travers la lévitation de la main :

Les suggestions indirectes dans la lévitation de la mainCollected Papers on Hypnosis, Tome 1, Chapitre 23

En mettant au point diverses techniques hypnotiques, je les ai mises par écrit dans le détail pour comprendre la véritable signification de ce que j’énonçais.

Quand vous préparez une série de suggestions, commencez par les rédiger. Il est ensuite plus facile de les isoler pour déterminer leur signification véritable. Vous pouvez changer l’ordre des mots pour voir l’intérêt de placer telle expression ou telle proposition d’abord et telle autre en second ; essayez d’analyser votre suggestion dans le but de placer une pause à un endroit donné pour accentuer un mot en particulier et faire qu’il se détache.

Il y a bien longtemps, j’avais l’habitude de rédiger environ quarante pages de suggestions, que je résumais en vingt pages, puis en dix pages. Je les reformulais ensuite avec soin, en choisissant bien chaque mot de chaque phrase pour finir par cinq pages environ. Tous ceux qui veulent sérieusement apprendre à formuler des suggestions doivent en passer par là pour prendre vraiment conscience de ce qu’ils disent en réalité.

Je n’hésite pas le moins du monde à hésiter, à faire des pauses, voire à bégayer délibérément sur certains mots. Je peux écorcher un mot important parce que c’est ce mot-là que je veux que les patients entendent. Je veux que ce mot résonne correctement dans leur esprit. Si je l’écorche légèrement, ils le corrigent mentalement, mais ce sont eux qui le prononcent; ils se sont joints à moi pour dire ce mot, et quand ils me rejoignent en le disant, c’est à eux-mêmes qu’ils font la suggestion. Il faut que les sujets participent. En transe, ce ne sont pas des individus placides et indifférents. Ils doivent participer beaucoup plus que vous, parce que vous ne faites que leur offrir un éventail de suggestions, sachant qu’au mieux ils vont choisir de suivre celle-ci, celle-là, ou encore cette autre.

Je vois beaucoup trop de gens utiliser l’hypnose pour essayer d’obtenir d’un sujet qu’il exécute toutes les suggestions données, alors que le sujet, évidemment, ne le fera pas. J’ai observé un étudiant qui travaillait avec la technique de lévitation de la main et qui essayait laborieusement de faire lever le petit doigt, le majeur, le petit doigt, l’index, puis le pouce, la paume, et puis le reste.

L’étudiant était tellement occupé avec les mains qu’il en oubliait le sujet. On doit en permanence rester totalement attentif à son sujet.

L’hallucination d’une lévitation de la main est une façon très efficace de développer une transe somnambulique immédiate; certains sujets ne vont pas vraiment bouger leur main, mais ils vont halluciner la lévitation de la main. Si vous attendez que cette main bouge, vous ne verrez rien.

Pourtant, si vous observez l’expression figée du visage et le clignement plus lent des paupières, la respiration, le rythme du pouls, la tension des muscles de cou, etc., vous réalisez que votre sujet est déjà dans un état de transe.

Très souvent, quand je vois que le sujet est déjà dans un état de transe alors que je ne fais que commencer à suggérer la lévitation de la main, je dis : « Et vous pouvez continuer comme ça, et faire même mieux pendant que je fais encore quelques suggestions à propos de vos mains – ce n’est pas qu’elles soient importantes, ce que vous faites est plus important. »

Et je poursuis, et je permets aux sujets d’approfondir leur propre transe parce que ce qu’ils font est plus important, et ils peuvent continuer. Je poursuis mes suggestions de lévitation de la main, sachant qu’elle sont inutiles et ne servent à rien si ce n’est à donner l’occasion aux sujets d’approfondir leurs propres expériences de transe.

Une posture thérapeutique respectueuse et créative

Ce passage, d’une grande richesse, incarne à merveille la posture que tout praticien en hypnose gagnerait à cultiver :
Respect de l’inconscient, liberté du sujet, et présence subtile du thérapeute.

Pour approfondir cette vision, je vous recommande la lecture de cet article complémentaire, qui compile les conseils essentiels d’Erickson sur la pratique de l’hypnose :
👉 Lire l’article complet ici

Offrir la liberté plutôt que la suggestion

L’enseignement essentiel de ce texte ?
La transe est un espace de liberté.
Le rôle du thérapeute n’est pas d’obtenir un comportement, mais d’offrir un contexte dans lequel le sujet peut créer sa propre solution.

Dans cette optique, la lévitation de la main n’est plus une simple technique…
C’est un prétexte au dialogue entre le conscient et l’inconscient,
Une métaphore vivante de l’autonomisation.

Dominik

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