Sexualité et choc psychologique : l’art d’Erickson pour déjouer les blocages inconscients

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En thérapie, ce n’est pas toujours en comprenant que l’on guérit. Le mental, avec ses compréhensions conscientes, ses efforts, sa volonté, tente souvent de contrôler ce qui est du domaine de l’inconscient : l’émotion, le désir, le lâcher-prise…

Mais l’inconscient ne se laisse pas si facilement dominer. Il suit d’autres règles, plus archaïques, symboliques et émotionnelles.

Quand la volonté étouffe le désir : le cas du couple infertile

Milton Erickson raconte :

“Un professeur d’université âgé de trente ans était allé à une soirée dansante ; à l’autre bout de la salle, il vit une femme, également âgée de trente ans, qui n’était pas accompagnée. Elle le vit aussi, et ils furent rapidement attirés l’un vers l’autre.

En l’espace d’un mois, ils avaient fait des plans d’avenir et s’étaient mariés. Trois ans plus tard, ils se présentèrent à mon cabinet et me racontèrent leur triste histoire.

Leur récit dénotait de leur part une pudibonderie et un embarras extrêmes, et ils s’exprimaient d’une manière tout à fait guindée et dépourvue de naturel. Voilà essentiellement de quoi ils se plaignaient : avant même de se marier, ils avaient projeté de fonder une famille, et comme ils avaient tous les deux déjà trente ans, ils estimaient qu’il ne fallait pas perdre de temps. Seulement, au bout de trois ans, ils n’avaient toujours pas d’enfant, et ce n’était pas faute de consultations et d’examens médicaux.

Ils étaient tous deux présents dans mon cabinet, et m’exposant leur problème, le mari dit : « En réfléchissant, ma femme et moi, nous en sommes venus à la conclusion suivante : il est préférable que ce soit moi qui exprime notre difficulté commune et l’expose succinctement. Notre problème est très perturbant et a un effet destructeur sur notre mariage. En raison de notre désir d’avoir des enfants, nous avons chaque nuit et chaque matin des relations matrimoniales en faisant intervenir tous les éléments physiologiques concomitants nécessaires à la procréation. Le dimanche et pendant les vacances, nous en avons quatre fois par jour des relations matrimoniales. Nous n’avons laissé intervenir aucune incapacité physique. La frustration de notre désir d’engendrer une postérité a eu pour conséquence la disparition progressive de l’agrément des relations matrimoniales, mais cela n’a en rien entravé la poursuite de nos efforts de procréation ; toutefois, nous sommes tous deux vraiment perturbés par la découverte de l’intolérance croissante qui s’installe entre nous.

Pour cette raison, nous venons vous demander de nous aider, puisque l’autre recours à la médecine a échoué. » À ce moment, je l’interrompis et je lui dis : « Vous avez énoncé le problème. J’aimerais que vous gardiez le silence et que votre femme exprime son opinion avec ses mots à elle. »

Elle formula leurs doléances d’une façon presque aussi pédante que son mari, et avec une gêne encore plus grande…

Le choc symbolique comme levier thérapeutique

« Je peux remédier à cet état de choses, dis-je, mais cela implique une thérapie de choc. Pas quelque chose comme un électrochoc ou un choc physique, mais ce sera en quelque sorte un choc psychologique. Je vais vous laisser seuls dans mon cabinet pendant un quart d’heure pour que vous puissiez vous concerter et comparer vos points de vue afin de savoir si vous êtes prêts à subir un choc psychologique très important. Dans un quart d’heure, je reviendrai vous demander votre décision, et je m’y conformerai. »

Je quittai mon cabinet, revins un quart d’heure plus tard et dis : « Donnez-moi votre réponse. »

Le mari répondit : « Nous avons étudié la question tant objectivement que subjectivement, et nous sommes parvenus à la conclusion que nous sommes prêts à nous soumettre à n’importe quel traitement susceptible de permettre un aboutissement à notre désir d’engendrer une postérité. »

Je demandai à sa femme : « Êtes-vous tout à fait d’accord ? » Elle répondit : « Oui, Monsieur. »

J’expliquai que le choc serait psychologique, que ce serait une rude épreuve qui mettrait leurs émotions en jeu. « L’administration du traitement sera très simple, mais vous serez tous deux excessivement choqués sur le plan psychologique. Je veux que, pendant que vous êtes assis là, que vous cramponniez fermement à votre siège et de bien écouter ce que je vais dire. Après cela, et quand je procéderai à l’administration du choc, je veux que vous gardiez tous deux un silence absolu.

D’ici quelques minutes, vous pourrez quitter mon cabinet et rentrer chez vous. Tout le temps du retour, je veux que vous gardiez tous deux un silence absolu : ce silence vous permettra de découvrir un flot de pensées qui vous traversera l’esprit. Quand vous arriverez chez vous, vous ne romprez le silence qu’après être entrés dans la maison et avoir fermé la porte. Là, vous serez libres de parler !

Maintenant, cramponnez-vous, je vais vous administrer ce choc psychologique. Voici de quoi il s’agit : pendant trois longues années, vous avez eu au moins deux fois par jour et parfois jusqu’à quatre fois en vingt-quatre heures des relations matrimoniales faisant intervenir tous les éléments physiologiques concomitants nécessaires à la procréation ; vous avez été déçus dans votre désir d’engendrer une postérité.

Bon, alors maintenant, vous allez baiser pour le plaisir et vous pouvez adresser des prières au ciel — ou à l’enfer — qu’il s’écoule au moins trois mois avant que Madame se retrouve en cloque. Et à présent, allez-vous en. »

Ils m’ont dit plus tard qu’ils avaient gardé le silence tout le long du chemin du retour, et qu’ils avaient pensé à « beaucoup de choses ». Lorsqu’en fin de compte ils se retrouvèrent chez eux après avoir refermé la porte, ils furent « incapables d’aller jusqu’à la chambre, dit le mari. Nous sommes tombés par terre sans pouvoir aller plus loin. Nous n’avons pas eu de relations matrimoniales ; nous avons pris du bon temps. Maintenant, les trois mois sont à peine terminés et ma femme est enceinte. »

Neuf mois plus tard naissait une fille. Lorsque je leur rendis visite pour voir le bébé, je m’aperçus que les discours cérémonieux, les mots compliqués et les expressions exagérément correctes n’avaient plus cours dans leur conversation. Ils étaient même capables de raconter des histoires osées.”

Pourquoi cette intervention fonctionne-t-elle vraiment ?

Ce que fait Erickson ici, c’est créer une expérience réorganisatrice : un événement émotionnel et symbolique qui remet en mouvement ce qui était figé. Il ne cherche pas à rassurer ni à expliquer. Il provoque une réaction inconsciente par une mise en scène maîtrisée.

Les leviers utilisés sont puissants :

  • Rupture de pattern : le discours d’Erickson casse le schéma mental répétitif.
  • Suggestions directes et indirectes : le silence imposé est porteur de sens.
  • Accès au corps archaïque : le désir n’a pas besoin de mots, il a besoin de permission.

C’est là toute la puissance de l’hypnose : parler à l’inconscient par d’autres voies que celles du raisonnement.

Et si la sexualité était au cœur de bien des symptômes ?

Anxiété, troubles alimentaires, insomnies, dépendances, burn-out, jalousies ou blocages affectifs… Combien de ces symptômes sont en réalité des manifestations périphériques d’une sexualité entravée ?

La sexualité est souvent tue, contournée, voire intellectualisée. Mais elle est là. Elle infiltre les relations, les frustrations, l’image de soi. Et pourtant, trop peu de praticiens osent l’aborder.

C’est pourquoi, en tant qu’accompagnant, savoir écouter l’intime avec tact, conscience et précision thérapeutique devient un véritable savoir-faire d’utilité majeure.

Se former pour accompagner l’intime

Pour répondre à ces enjeux sensibles mais essentiels, nous avons conçu une formation de spécialisation en sexothérapie avec Alain Héril. Une formation vivante, humaine, thérapeutique, pour les praticiens en hypnose ou en relation d’aide souhaitant :

  • Développer une posture ajustée face aux enjeux de l’intimité
  • Comprendre les mécanismes inconscients du désir, du refoulement, et des symptômes sexuels
  • Créer un espace de parole, de transformation et de réconciliation intérieure

En savoir plus :
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Quand l’inconscient retrouve la voie du corps

Erickson ne cherche pas à choquer gratuitement. Il sait que parfois, une seule phrase — si elle est bien placée, bien préparée, symboliquement percutante — peut provoquer un changement profond.

Il ne s’agit pas de parler de sexualité pour provoquer. Il s’agit de réintégrer la sexualité comme élément central de l’identité et du mieux-être, et d’oser redonner au corps sa place dans le processus de guérison.

Et si parfois… la thérapie passait par un silence fécond, une parole libératrice, ou un éclat de rire érotique, longtemps attendu ?

Dominik

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